Test d'aptitude ? Infiltration : Alric Falzen.

La collision des pages de mon cahier émit un bref son qui mit fin à notre conversation ; laissant place aux tintements de choppes et au brouhaha général qui régnait dans le bar. Nous nous étions réfugiés ici pour parler : il restait d'un air préoccupé et n'avait pas arrêté de surveiller ses alentours depuis notre rencontre dans les rues. Dehors, elles étaient baignées par l'éclat de notre nouvelle Lune, mais demeuraient plongées dans l'éclat des ténèbres nocturnes. Nous étions assis en coin de salle ; notre table éclairée par une bougie, chose rare de nos jours. Rien que cette absence de technologie permettait de se faire une bonne idée du genre d'hommes qui pouvaient traîner dans cette brasserie des bas-fonds de Babylon.

L'individu était un espion Strats. Je m'étais approché de lui car l'inquiétude marquait les traits de son visage. Toute créature, quelle que soit son espèce, qui peut nécessiter mon aide, est à mes yeux un être à secourir. Telle était la vocation par laquelle je vivais, depuis des années.

Il devait vraiment être désespéré : j'obtins sa confiance en deux actions. Tout d'abord, j'avais surpris cet homme, un espion entraîné, en lui adressant la parole. Il ne m'avait pas remarqué, alors qu'il avait été sur ses gardes. Deuxièmement, je lui avais assuré que personne d'autre que moi le suivait. Au début, il ne m'eut pas cru, m'affirmant que j'aurais très bien pu être en train de lui tendre un piège. Suite à son argument : un silence court pour observer quelques instants son visage, sous la lueur des astres.
Je ris. Brièvement, mais sans en cacher le sens. "Si je l'avais voulu, ou le voulais, vous seriez déjà mort." Abasourdi par mes paroles : il pencha son regard vers le bas, lentement, sans jamais baisser sa garde : c'était un assassin, membre d'une élite, sans aucun doute possible. De plus, c'était un Strats : la forme de vie intelligente la plus agile de l'univers.
Il en fut d'autant plus abasourdi lorsqu'il vit un de mes couteaux, positionné juste en dessous de sa cage thoracique, qui pointait avec menace vers l'endroit où se trouvaient ses poumons. Dieu sait si les poumons des Strats sont vulnérables. Après tout, ils doivent être adaptés à une vie à des kilomètres du sol.

Le fait que ça faisait la deuxième fois que je le battais à plate couture dans son propre art lui fit comprendre que je ne bluffais pas.

Et je ne bluffais absolument pas.

Il m'avait conduit dans ce petit bar, à l'abri des gens indiscrets et du froid de la nuit. Le ton de sa voix était lui aussi perturbant ; sa mission devait être cruciale. Aussi cruciale que le fait qu'il nécessitait l'aide d'un inconnu. Avec la somme qu'il me proposait à moi, cet inconnu, c'en devenait évident.
Il n'avait aucune chance de le savoir, mais les cieux lui avaient souri.

Il n'aurait jamais pu tomber sur une meilleur arme que moi.


J'avais écrit toutes ses instructions dans un "carnet de mission" que je gardais toujours sur moi. "Pour ne rien oublier," avais-je répondu, quand il m'eut posé la question.
Aaahh... S'il savait.

Si SEULEMENT il savait.[/u]

"Héhéhé... HAHAHA !"

Surpris par ce brusque rire que j'eus lâché, inconsciemment, il me regarda bizarrement. "Pourquoi riez-vous ?" me demanda-t-il.

"Héhé... Pour rien. Vous ne pourriez pas comprendre." rétorquai-je en rêvassant.

Nous nous levâmes, prêts à enfin se séparer, quand un songe me frappa. Je m'arrêtai sur mes pas, lui posant aussitôt la question : "Avez-vous une planque ?"
Il me fixa, incrédule, et encore plus étonné que lorsque j'avais ri. "Oui... Mais pourquoi me demandez-vous cela ?"

Vu que je m'attendais déjà à sa réponse, je repris aussitôt. "J'ai une proposition à vous faire. Mon attirail n'a pas la technologie nécessaire pour la mission d'infiltration que vous me proposez de faire. J'aimerais que vous alliez là-bas pour me chercher un taser, un blaster d'élite Strats (le vôtre, j'imagine) et un taser-gun (si possible, celui-là). En attendant, je resterai ici jusqu'à votre retour."
Il resta complètement abasourdi, comme s'il n'en croyait pas ses oreilles. J'ajoutai donc, de peur de le froisser :
"Bien sûr, je vous les rendrai à la fin de la mission ! Et si jamais les armes sont endommagées ou perdues, vous pourrez déduire la somme de la prime. Il y a largement de quoi."

"C... Ce n'est pas ça !" rétorqua-il en contrôlant aussi bien que possible le volume de sa voix. "Je ne peux pas vous faire confiance avec des armes de cette puissance ! Qu'est-ce qui me dit que vous ne me tuerez pas une fois les armes obtenues ?!"

Je lâchai un long soupir, tentant de trouver comment raisonner avec un être acculé entre son devoir de soldat et sa précipitation face à une situation désespérée.

"Écoutez. Vous n'aurez pas à me donner les armes tant que vous ne serez pas satisfait."
Il railla, exaspéré par le fait que l'horloge tournait, inexorablement, et qu'il était incapable de l'en empêcher. "Et comment comptez-vous me "satisfaire" ? Hein ?!"

Mes lèvres esquissèrent un sourire narquois, fier de pouvoir de nouveau lui montrer ma supériorité. "Et si je vous amenait à MA planque ? Vous y seriez plus en sécurité. De plus, vous pourriez m'expliquer plus en détail ce que vous savez.
Un grand nombre de gens connait l'endroit global où se trouvent les quartiers qui servent de refuge aux espions. Et si vous voulez mon avis, d'après ce que j'entends des conversations autour de nous, vous ne voudriez pas y traîner trop tard ce soir. Les gens qui vous ont aperçu sont subitement devenus assez bavards. Mais vous connaissez les humains. Ce sont les créatures de l'univers qui s'attardent le plus sur les races."

Le silence me montra que j'avais gagné. Il me fixa, n'ajoutant rien. Puis il se retourna, avant de disparaître en s'enveloppant de cette obscurité protectrice qui inondait les rues de Babylon.

Je lâchai un long soupir, tout en laissant tomber mes bras à mes côtés et en décontractant mes muscles. C'était la première fois depuis des heures : ils étaient tendus depuis que j'avais approché cet individu.
C'était un être dangereux.
TRÈS dangereux.
S'il n'avait pas eu besoin de mon aide, ou bien si je n'avais pas été aussi fort ; je ne sais pas si j'aurais été encore vivant à cette heure-là.

Mettant le problème direct de côté, mon corps dégoulina lentement sur l'un des tabourets du bar. Aussitôt, j'entendis le "Que puis-je vous servir ?" traditionnel. Ma réponse fut qu'une simple bière suffirait.


Le Strats revint une demi-heure plus tard, et c'est quand je le vis à la porte que je me levai enfin, remerciant le barman pour son hospitalité, son temps et le félicitai pour son don de conversation.

Il faisait bien plus froid dehors, dans la rue, sous les rayons glacés de la lune, dans la pénombre nocturne, qu'à l'intérieur, entouré de la chaleur des jeux et de l'alcool.


De quoi avions-nous bien pu parler pendant une demi-heure ?


Lui non plus ne le savait pas.